Correspondance avec le Ministère de la Santé:

Publié le par Delphine

18 Septembre 2009, j'écrivais la lettre suivante à Mme la Ministre de la santé et des Sports:

 

 

Mme Roselyne BACHELOT-NARQUIN

Ministre de la Santé et des Sports

Ministère de la Santé et des Sports

14, avenue Duquesne

75350 PARIS 07 SP

 

 

Madame la Ministre,

 

Je viens de lire sur le site du Nouvel Obs votre position sur la continuité de la prise en charge des transsexue(le)s et la déclassification de la transsexualité de la catégorie "affections psychiatriques de longue durée" et sa reclassifcation dans les ALD dites "hors liste" .

 

Je vous félicite pour cette prise de position courageuse, la première dans ce sens à travers la planète.

 

Par contre, dans ce même article, vous indiquez soutenir le projet de la HAS, je cite les propos rapportés:

La HAS, poursuit Mme Bachelot, suggère aussi la création de centres de référence sur le transsexualisme "afin de pallier l'insuffisance de l'offre en France, génératrice de migration médicale". La ministre de la Santé dit soutenir cette initiative "qui va dans le sens d'une amélioration de la prise en charge des transsexuels".

 

Comment pouvez-vous en tant que Ministre de la République prendre en compte de telles idées qui sont en opposition avec le principe de libre choix de son médecin, principe inscrit dans les lois de notre pays? (article 162-2 du Code de la Sécurité Sociale)

 

Comment acceptez-vous de telles propositions alors que l'ensemble de la communauté transgenre, par le biais de ses associations, s'y oppose?

 

Comment l'Etat Français pourra-t-il justifier de telles pratiques, dignes d'un passé que nous pensions révolu, devant l'Europe et les recommandations du Commissaire Européen aux droits de l'homme, M. Thomas HAMMARBERG?

 

Pensez-vous honnêtement que cette proposition répond au principe 18 des Principes de Yogyakarta ? Je cite le préambule:

« Nul ne peut être forcé de subir une quelconque forme de traitement, de protocole

ou de test médical ou psychologique, ou d’être enfermé dans un établissement

médical, en raison de son orientation sexuelle ou de son identité de genre. »

En tant que praticienne libérale, attachée au libre choix du praticien par le client, attachée à la liberté dans notre pays, dans l'Europe et dans le monde, je suis choquée de lire de tels propos.

 

Je tiens à vous préciser, Madame la Ministre, que je suis une transgenre MtF, que j'ai débuté une transition voici 6 mois, que j'effectue cette transition en dehors de tout « protocole dit officiel » en effectuant moi-même le choix des praticien(ne)s qui me suivent au cours de ce parcours.

Je le fais librement avec des praticien(ne)s librement choisi(e)s qui ont accepté librement de me soutenir dans cette démarche.

 

Toujours en respectant ce principe de liberté qui m'est cher, qui est inscrit aux frontons de nos édifices officiels et dans notre Constitution, je refuse d'intégrer une quelconque structure imposée avec des praticien(ne)s que je ne choisirais pas.

 

Je souhaite aborder un dernier point qui m'interpelle en tant que praticienne: la qualité des actes chirurgicaux effectués en France (Pour la chirurgie de réassignation sexuelle).

De nombreux services de chirurgie et/ou de maternité ont été fermés pour une cause juste, que je comprends en tant que chirurgienne: le nombre de cas traités annuels insuffisant.

Comment expliquez-vous alors que les services effectuant les SRS continue à les pratiquer?

Les équipes chirurgicales françaises n'atteignent pas le même degré de sécurité et de qualité fonctionnel, pour un coût bien supérieur, que celui obtenu par des équipes européennes ou non européennes bien connues.

Les transgenres français doivent-ils subir une chirurgie de mauvaise qualité, indigne de nos services de santé?

Ou n'est-il pas envisageable d'assouplir les règles de remboursement de ces opérations en autorisant la prise en charge par les caisses de sécurité sociales des opérations effectuées hors du territoire français, et cela pour un coût moins élevé que celui pratiqué sur notre territoire?

 

Vous remerciant d'avance pour la sollicitude que vous porterez à ce courrier et pour votre réponse, je vous prie de recevoir, Madame la Ministre, mes respectueuses salutations,

 

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J'ai reçu le 4 juin 2010, la réponse que vous pouvez lire ici.

 

Voici la lettre que j'envoie ce jour en réponse:

 

 

Monsieur,

 

J'accuse réception de votre réponse à mon courrier du 18 septembre 2009.

 

Je tiens à vous préciser qu'aucune réponse précise n'a été apportée à mes questions, vous restez dans une réponse vague faisant référence à la réunion réalisée le 27 avril 2010 au cours de laquelle aucune réponse réelle n'a été apportée aux représentants des associations trans.

 

Il est évident que le ministère maintient sa position sur la création (ou plutôt l'officialisation de la situation existant actuellement, devrions-nous dire) de centres dits ''de références'', joliment renommés centres pluridisciplinaires experts de coordination et de recours sans tenir compte des recommandations, datant de juillet 2009, de M. Thomas HAMMARBERG, Commissaire des Droits de l'Homme du Conseil de l'Europe, recommandations adoptées, en avril 2010, par l'Assemblée parlementaire de ce même Conseil de l'Europe suite au rapport présenté devant cette Assemblée par M. GROSS.

 

Les propositions du Ministère de la Santé, outre le fait qu'elles ne font que reprendre ce qui existe et ce qui est largement rejeté par une majorité de personnes transidentitaires, ne tiennent absolument pas compte des aspects juridiques et politiques (dans le sens étymologique du terme) de la place de la transidentité dans la société.

 

Vous me direz que des associations ont participé aux débats de la HAS, que des experts ont émis des avis. Certes, mais permettez moi, par le biais d'une rédaction imagée de mes propos de vous montrer la situation actuelle.

 

Pour cela je vais faire une étude épidémiologique comparée entre deux faits de société l'un, l'esclavage qui a ce jour est, presque, un fait uniquement historique, et l'autre, la transidentité qui se situe à ce jour à la croisée des chemins tel que le fut l'esclavage voici deux siècles. Je mettrai entre parenthèses et en italique les éléments transidentitaires correspondant à des faits liés à l'esclavage.

 

Pendant des siècles l'esclavage fut considéré comme normal, inhérent à la société, les esclaves comme des sous hommes (les personnes transgenres, très mal nommées ''transsexuelles'' sont considérées comme anormales et atteintes d'une maladie psychiatrique). Certains esclaves pouvaient obtenir le Graal: l'affranchissement (la chirurgie de réassignation sexuelle) seule façon de retourner vers une vie à peu près normale et recouvrer un statut d'homme (la possibilité de vivre sans subir, trop, de discriminations).

 

Progressivement, certains esclaves et des non esclaves réalisèrent que les Droits de l'Homme, même si au temps du siècle des Lumières ces droits n'étaient pas encore écrits, s'appliquaient à TOUS les hommes quels que soient leur couleur de peau, leur croyances religieuses, … et militèrent pour la disparition de l'esclavage (la population transidentitaire se mit à demander le retrait de la transidentité des maladies psychiatriques, sa dépsychiatrisation et arrêter de parler de la transidentité comme d'une maladie).

 

Face à ces demandes de disparition de l'esclavage, il apparut, schématiquement, dans la population des esclaves trois catégories: les militants qui se battirent contre l'esclavage (les militants transgenres qui demandent que les recommandations de M. Thomas HAMMARBERG soient appliquées sans discussion sur la base du respect de la déclaration des Droits de l'Homme), une large majorité silencieuse d'esclaves pour qui le plus important était de (sur)vivre et donnant l'impression que les militants faisaient parties d'un autre monde (Les personnes transidentitaires qui effectuent leur transition en espérant un jour vivre comme tout un chacun, le plus discrètement dans leur coin, subissant, sans se plaindre ouvertement, les contraintes, médicales ET juridiques de l’État) et les esclaves qui trouvaient normal d'être esclaves, pour qui l'esclavage faisait parti de l’organisation normale de la société, soit par convictions personnelles ou certains avantages acquis leur donnant une petite supériorité sur la majorité des esclaves, soit, tout simplement, par peur de l'avenir, peur de ce que pourrait être une société sans esclaves (je mets dans cette catégorie, certaines associations, certaines personnes transidenditaires qui défendent becs et ongles leur appellation transsexuelle qui pour elles veut dire ''celles qui veulent absolument la chirurgie de réassignation sexuelle'', le Graal de leur vie).

 

La situation de l'esclavage a non seulement un aspect purement respect de l'autre dans sa différence, mais aussi des aspects économique, juridique et politique, et la transidentité comporte elle-aussi ses différents aspects.

 

Pour continuer mon étude épidémiologique comparée, je vais prendre la situation de l’esclavage aux USA et ses conséquences explosives.

Les états du sud dépendaient énormément de l'esclavage pour des raisons économiques et justifiaient l'esclavage par des arguments de différences de races: certains hommes étant nés pour être esclaves, ces esclaves sont incapables de vivre de façon indépendantes, il leur faut ''un père'' pour les aider à vivre (les équipes officielles françaises sont exactement dans cette situation, imposant un modèle de suivi médico-psychiatrico-chirurgical à leur seul profit, ce monopole leur assure un revenu régulier financé par la Sécurité Sociale. Pour justifier leur position elles assènent leur certitude: les personnes trans sont des malades, des malades psychiatriques, un diagnostic est nécessaire pour leur éviter de faire des erreurs, il faut les accompagner, leur tenir la main sur leur chemin car elles ne sont pas capables de penser par elles-mêmes).

Les états du nord: non, ou nettement moins, dépendants de l'esclavage. Certains membres influents poussèrent à la disparition de l'esclavage, certains par conviction profondes (tel M. Thomas HAMMARBERG), d'autres par opportunisme (suivre ''l'air du temps'', certains parlementaires de l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe qui ont voté favorablement ont du réagir ainsi par attrait de paraître ouverts aux Droits de l'Homme), toujours est-il que le résultat fut là: abolition officielle de l'esclavage!

La conséquence de cette décision fut la guerre de sécession! D'un côté un pays préférant s'arcbouter sur des idées du passé: sous hommes, nécessité de leur tenir la main, incapables de vivre seuls … (pathologisation de la transidentité, ''heureusement les équipes officielles sont là pour aider ces pauvres personnes transidentitaires incapables de se débrouiller librement'', acquisition des droits élémentaires de chaque être humain rendue difficile par la mise en place de barrières juridico-légales arbitraires … notions largement défendues par les dits experts en transexualisme et certaines associations trans qui ont peur d'un avenir de libertés ), de l'autre un pays pour qui tout être humain est digne de respect.

 

Quel chemin choisira la France? Celui du conflit comme le subirent les états du sud, une France qui se verra un jour imposer une évolution digne des Droits de l'Homme par l'Europe, une France qui se verra contrainte d'appliquer des décisions communautaires sous le risque de subir des contraintes juridiques et financières? Ou celui des états du nord qui firent avancer la notion d'égalité des droits entre tous les hommes?

 

Je désire aussi aborder un aspect purement financier de la situation.

 

Actuellement, et dans un futur proche si le Ministère continue à soutenir les idées développées par la HAS, idées largement inspirées par les équipes dites officielles et les associations trans qui les soutiennent, un protocole coute cher et très cher à la Sécurité Sociale. Si d'un côté vous mettez en compte les années de suivi psychiatrique, la rémunération des membres de ces équipes, le cout de la chirurgie de réassignation (SRS), et de l'autre un ''protocole'' s'effectuant dans un cadre vraiment libéral auprès de praticiens indépendants, il est évident que la différence est flagrante.

 

Pour l'exemple, je prendrais le cas de la SRS, et plus précisément celui de la vaginosplastie que je connais mieux. Je vais comparer cette chirurgie effectuée dans deux pays à niveau de vie équivalent: le Canada et la France.

La France: une chirurgie de qualité inférieure, autant du point de vue ''esthétique'' que fonctionnelle. Les chirurgiens français défendent leur chirurgie, disant que le mythe de la chirurgie mieux effectuée à l'étranger est un mythe. Or, tout récemment un professeur de chirurgie, intéressé par les techniques de vaginoplastie, connaissant les techniques françaises, a eu l'occasion de comparer le travail chirurgical effectué à l'étranger (dans ce cas en Thaïlande), sa conclusion fut: ''en France on ne sait pas faire cela!''. Cette chirurgie est facturée en France de l'ordre de 18 à 19k€, sans compter les éventuelles retouches chirurgicales.

Le Canada (mais les tarifs sont équivalents en Thaïlande): la chirurgie s'effectue en une seule opération, les résultats chirurgicaux sont excellents, et cela pour un prix de l'ordre de 12k€.

 

Des économies substantielles pour la Sécurité Sociale seraient possibles si la chirurgie n'était plus un domaine réservé à certaines équipes. Sa libéralisation entrainerait inévitablement un alignement des prix sur les prix internationaux, de plus les chirurgiens, du fait de l'existence d'une concurrence (la concurrence n'est-elle pas un facteur d'amélioration économique et technique?), seraient obligés de se tenir informés sur l'évolution réelle des techniques chirurgicales et se formeraient convenablement assurant aux patient(e)s la qualité de soins que chaque citoyen est en droit d'espérer.

 

De la même façon, ne pas garder des ''équipes'' centralisées dans un site particulier, mais laisser ce domaine de compétence aux praticiens exerçant en libéral et en ville, éviterait des frais de fonctionnement. Sans compter que l'existence de centres dédiés ne se justifient absolument pas. L'argument de la recherche, de la centralisation des données est faussé. Faussé car une centralisation des données peut être possible par un simple regroupement de celles-ci dans un organisme de taille simplifiée, données transmises de façon anonyme par les praticiens libéraux. Faussée car de tels centres ne garantissent absolument pas la mise à niveau des connaissances, ces centres étant monopolisés par des ''experts'' qui délivrent la ''bonne nouvelle'', ce qui est le cas actuellement en France. Enfin, les recommandations du Conseil de l'Europe ne font absolument pas références à la création de centres tels qu'imaginés par la France.

Des solutions existent pour que les droits humains soient respectés: appliquer les recommandations de M. Thomas HAMMARBERG.

 

Des solutions existent, mais elles demandent à ne pas prendre en compte uniquement l'aspect médical de la transidentité, car la transidentité est tout d'abord un sujet juridico-politique, son aspect médical n'est qu'une petite partie de la globalité du sujet. Contrairement à ce que laissent penser les membres des équipes officielles et certaines associations trans.

 

La France (et le Ministère de la Santé) saura-t-elle faire preuve d'une vision globale, d'une vision d'abolition d'une ségrégation, ou la France fera-t-elle partie des ''pays du sud'' et se verra-t-elle contrainte à évoluer?

 

Je vous prie d'agréer, Monsieur, l'expression de mes salutations distinguées,

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L
<br /> Il n'est nul besoin d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer...<br /> Tout le monde savait que c'était impossible... Elle ne le savait pas... et elle l'a fait !<br /> Bises<br /> Louise<br /> <br /> <br />
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E
<br /> Magnifique réponse. Dommage, cependant, qu'elle ai de grande chance d'etre ignoré...<br /> <br /> <br />
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D
<br /> <br /> Merci Erin,<br /> <br /> <br /> mais quand on croit à quelque chose de juste il faut essayer d'avancer.<br /> <br /> <br /> Et qui ne fait rien, n'a rien et n'a que ses yeux pour pleurer.<br /> <br /> <br /> Delphine<br /> <br /> <br /> <br />